Thomas Salomon : Chez Storyplay’r, la lecture commence par se faire raconter des histoires

Introduction ou extrait
Le créateur de la plateforme destinée aux 3-11 ans explique les raisons du partenariat avec Lire et faire lire.
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- Pourquoi avec vous lancé la plateforme Storyplay'r ? 

J’adore lire et mes premières expériences de lecture c’était lorsque enfant, mes parents ou mes grands-parents me racontaient des histoires. J’ai aussi passé des heures et des heures à écouter des disques d’histoires racontées par des conteurs où l’on devait tourner la page au bruit de la petite clochette. J’ai écouté plus de 1000 fois « Pierre et le loup » racontée par Gérard Philippe : j’entends encore et je frissonne pendant la fuite désespérée du canard devant le loup et je souris quand le petit oiseau virevolte autour du loup.

J’ai donc imaginé une application proposant une vaste bibliothèque d’albums jeunesse avec des versions audio et qui permettrait aux utilisateurs (parents, grands-parents et même les enfants) d’enregistrer leur voix, créant ainsi leur propre narration. Ajoutez-y la possibilité de partager à distance et la grand-mère qui habite à Marseille peut raconter des histoires à son petit-fils qui habite à Paris.

J’en ai parlé autour de moi et les gens ont trouvé l’idée très bonne, y compris quelques éditeurs. Je me suis donc lancé !

- Comment travaillez-vous avec les éditeurs, les auteurs ? 

Nous travaillons exclusivement avec des éditeurs et sur des livres qui existent aussi au format papier. Notre grande chance c’est qu’on a, en France, énormément d’éditeurs indépendants qui ont des catalogues d’excellente qualité.

Le choix des livres, c’est bien sûr la qualité éditoriale mais il faut aussi que les albums répondent à un minimum de caractéristiques leur permettant d'être bien adaptés pour une bonne lecture à l’écran.

Nous signons un contrat avec les éditeurs qui nous donnent le droit de diffuser les ouvrages sur notre plateforme en échange de quoi nous leur reversons 50% du chiffre d’affaire généré par les abonnements, charge aux éditeurs de reverser leurs droits aux auteurs et illustrateurs.

- Pourquoi avez-vous engagé un partenariat avec Lire et faire lire il y a 5 ans ?  Quelles perspectives pour ce partenariat ?

Comme vous, nous pensons qu’il est primordial de donner le goût de lire aux enfants et ce, dès leur plus jeune âge. Comme vous, nous pensons que la lecture ça commence toujours par se faire raconter des histoires. Le partenariat nous a donc parut évident.

Nous avons engagé ce partenariat pour ce qui nous réunit mais c’était aussi l'occasion de pointer ce qui nous différenciait à l’époque et résoudre ces différends d’une certaine manière. Je m’explique. Ce qui réunit « Lire et faire lire » et «Storyplay’r», c’est une croyance extrêmement forte dans les bienfaits et le plaisir de la lecture pour les enfants. C’est aussi la conviction que tous les enfants ne sont pas égaux devant la lecture et qu’il est important d'agir par rapport ça. A ce titre, je suis persuadé que le numérique est un moyen de démocratiser la lecture, de la rendre plus accessible non seulement financièrement mais aussi en portant la lecture sur les écrans. Ce qui nous réunit enfin, c'est l’idée que la lecture ce sont aussi des moments partagés.

Ce qui nous différenciait, c’est l’idée de la lecture à l'écran. Je suis assez certain qu’une large majorité des bénévoles de « Lire et faire lire » associait d’une part la lecture au livre papier et d’autre part l’écran à des activités néfastes pour l’enfant (jeux vidéo, à la télé, aux dessins animés, etc.). Comme s’il y avait une sorte d'opposition absolue et irréconciliable entre écran et lecture. J’ai voulu avec ce partenariat montrer que la réalité peut être différente.

La lecture a toute sa place à l’écran car elle apporte des possibilités nouvelles. Ce qui n’empêche pas que le livre papier garde sa spécificité et ses avantages par rapport à l’écran.  

Le livre papier c'est une forme de plaisir « physique » de la lecture (toucher le papier, tourner les pages, etc…), ce sont certains avantages pratiques (pas besoin d’être branché ou rechargé, moins fragile que les écrans, plus doux et plus calme notamment au moment de s'endormir) et ce sont des possibilités de formes et formats improbables et qui seraient et seront toujours impossibles à retranscrire sur un écran. 

Le livre à l’écran et notamment sur « Storyplay'r » apporte d'autres avantages : des avantages pratiques (ma bibliothèque est disponible partout et tout le temps sur mon ordinateur, ma tablette ou mon téléphone), les versions audio, la possibilité de s’enregistrer et de partager à distance des narrations (largement utilisée par les bénévoles de Lire à faire lire), les nombreuses fonctionnalités d’aide à la lecture et à la compréhension (affichage des textes, choix des polices, karaoké inversé en mode audio, aide à la prononciation par synthèse vocale, fonctionnalités d’aide à la lecture pour les enfants dyslexiques…). Et je ne fais pas la liste complète parce que je risque d’être beaucoup trop long !

Papiers et écrans sont complémentaires et ce partenariat était l’occasion de le démontrer et je crois que nous y sommes parvenus notamment au vu du succès de l’opération sur les 2 mois qui viennent de s’écouler.

Nous avons aussi engagé ce partenariat parce que « Storyplay’r » a vocation à être utilisée de plus en plus dans les écoles par les enseignants, que nous ne sommes pas encore très connus de l’éducation nationale et que nous espérons l’être un peu plus, avec l’aide de tous les bénévoles, grâce à cette opération. Nous comptons sur tous les bénévoles qui ont utilisé et aimé « Storyplay’r » pour être nos ambassadeurs auprès des professeurs et directeurs des écoles ! Je profite d’ailleurs de cette interview pour les engager à aller voir sur notre site (www.storyplayr.com/education) tout ce que nous proposons aux enseignants. Nous sommes très utilisés par les écoles du réseau des écoles françaises de l’étranger : ils projettent les livres en classe, ils font des rallyes-lectures et organisent des ateliers où les enfants sont les lecteurs et s’enregistrent eux-mêmes.

Si ces usages connaissent autant de succès dans ces écoles, il n’y a aucune raison que ce ne soit pas le cas aussi en France.

Enfin, nous avons développé ce partenariat à l’occasion de la crise du Coronavirus et du confinement parce que la fonctionnalité de partage de narration nous a semblé, à l’évidence, particulièrement adaptée à la situation.

Pour l’avenir, nous comptons bien entendu poursuivre ce partenariat. D’ici quelques temps, il faudra faire le bilan précis de l’utilisation de « Storyplay’r » pendant cette période particulière, recueillir les avis et les idées des uns et des autres, apporter des améliorations à la plateforme, continuer ce qui a marché mais aussi imaginer les nouvelles initiatives que nous pourrions avoir ensemble. Je m’en réjouis d’avance !