C’est le lien à l’autre qui fait le lecteur. 22 fév. 2010 (AFP)

Introduction ou extrait
"Le verbe lire ne supporte pas l’impératif", aime à dire l’écrivain Daniel Pennac, parrain de l’association Lire et faire lire, en insistant sur l’importance du partage pour transmettre aux enfants le plaisir de la lecture.
Corps de texte

"C’est le lien à l’autre qui fait le lecteur. Un autre qui vous veut du bien. Et c’est grâce à cet autre que nous lisons", souligne dans un entretien à l’AFP Daniel Pennac, célèbre auteur de Au bonheur des ogres ou de La Fée Carabine et membre de la première heure de Lire et Faire lire.
Cette association a été lancée il y a dix ans pour amener les enfants à la lecture grâce à des bénévoles retraités qui se déplacent dans les écoles, les centres de loisirs ou les crèches pour lire des histoires.
"Le livre est une affaire de partage et de plaisir. Cela est vrai tout au long de sa vie. Le plaisir de lire est communicatif. Le livre est quelque chose de vivant", s’exclame, enthousiaste, Daniel Pennac qui associe étroitement écriture et envie de partager.
"Le passeur de livres, ce peut être un copain, une amoureuse, parfois un prof ou un parent. Mais le rapport qui prédomine, c’est le lien", poursuit-il. "Ce qu’il y avait de génial dans l’intuition d’Alexandre Jardin, cofondateur de Lire et faire lire, c’est d’envoyer des retraités faire la lecture à des petits enfants. Cela fait aussi le lien avec la génération d’avant".
"C’est bénéfique pour les enfants en matière de représentation des adultes et c’est bénéfique pour les bénévoles qui trouvent eux-mêmes une dignité dans cette affaire", ajoute-t-il. "Et in fine, c’est le petit lecteur qui en profite".
"Cela correspond aussi à ma propre conception de la lecture, ce n’est pas coercitif", ajoute le créateur de la famille Malaussène, qui soulignait dans son livre Comme un roman : "Le verbe lire ne supporte pas l’impératif. Aversion qu’il partage avec le verbe aimer, le verbe rêver"...
"C’est ça qui fait le succès de l’association. Ce n’est pas l’école. Il n’y a pas de rapport d’autorité. Les gosses crient "encore, encore ! Il y a quelques chose d’intrinsèquement vivant dans cette affaire".
"Les gosses dont nous nous occupons n’ont le plus souvent pas de parents qui leur font la lecture. Peu savent lire le français. Quand un bénévole leur lit un livre, c’est un don".
"Au départ, un enfant jouit du passage du signe au sens quand il apprend à lire. S’il l’oublie ensuite, les bénévoles sont là pour réactiver cette passion et alimenter son appétit de lecture. Même s’il y a des moments de diète".
"Quand un ado me dit : "je n’aime pas lire", il dit en fait, je n’ai pas envie de lire ce que tu veux que je lise pour ensuite me saoûler avec..."
"L’association dédramatise la lecture", ajoute le romancier.
Environ 15% d’une classe d’âge ne maîtrise pas la lecture en 6e, rappelle-t-il. "On ne peut pas le tolérer. Et, en amont, avant tout, c’est un manque de lien".

Par Myriam CHAPLAIN-RIOU

Paris, 22 fév. 2010 (AFP)